Franchir le pas

Franchir le pas

Aujourd’hui nous sommes à la croisée des mondes. Depuis longtemps, on ressentait au fond de nous que quelque chose n’allait pas. Le sentiment de passer à côté de sa vie. Et en même temps, nous devions nous estimer heureux, car nous avions tout ce qu’il fallait pour l’être. De plus en plus dépendants de l’état providence, de plus en plus infantilisés, débarrassés de toutes responsabilités, nous nous la coulions douce. Même si plus de la moitié du fruit de notre travail va à l’État, nous étions contents de manger les miettes. La méthode est vieille comme le monde.

Enfin, le choc. Un 17 mars 2020, nous nous sommes retrouvés assignés à résidence. L’économie a cessé de fonctionner, le monde a cessé de bourdonner. Le silence. La peur. La mort. L’isolement. Les chiffres. L’ennemi invisible qui rôdait, prêt à nous sauter dessus et à nous envoyer à la morgue. Nous étions devenus des bombes vivantes, semeuses de mort. Un film d’horreur. L’hallucination. La stupéfaction.  Pour la première fois depuis longtemps, nous nous sommes retrouvés face à nous-mêmes, face à la vie que nous menions. Nous avions soudain le temps, et ce temps nous l’avons utilisé à créer. Nous avons repris notre vie en main. Nous l’avons façonnée, à notre envie, et nous étions contents. Nos rêves se sont alors envolés. Pour beaucoup ce fut la révélation : à quoi ça sert de trimer comme un esclave, de donner 60 % de ses revenus à l’état, alors qu’on nous en demande toujours plus ? Nous avons eu le sentiment de ne pas être à notre place. Certaines familles n’ont pu résister.

Le monde s’est divisé en deux camps, les obéissants apeurés, et les dissidents.

Le monde d’avant est définitivement mort. Est-ce une grosse perte ? Non, car il nous a conduits à ce chaos. Chaos qui a mis à jour tout ce que nous ne voulions pas voir et que nous ne pouvons plus ignorer. Nous ne sommes pas des bêtes de somme. Le profit, les bénéfices, les balances commerciales, etc., et nous, les instruments, productifs, producteurs, consommateurs. Est-ce le destin de l’humanité de servir les intérêts de quelques milliardaires et investisseurs ? Par ailleurs, la vie zéro mort, la vie « tous pareils », gentils, obéissants, selon le modèle du village du prisonnier, série des années 60, qui reproduit exactement la société en train de se profiler, certains l’acceptent, l’embrassent, la désirent, d’autres la refusent.

On parle beaucoup de nouvel ordre mondial, mais rien n’est nouveau. Le nouvel ordre mondial est millénaire. Il a commencé à la conquête du monde par les Occidentaux. Aujourd’hui, c’est plutôt la fin de ce nouvel ordre mondial. Sur tous les continents, les peuples se révoltent contre l’exploitation dont ils sont victimes. Rien n’arrêtera cette fronde.

Alors on franchit le pas ? Oui, mais comment s’y prendre ?

L’état nous fournit tous les éléments. Rejetant les désobéissants en marge de la société de ceux qui mènent une vie « normale », il nous a permis de nous connaître, de nous rencontrer, plus souvent via les réseaux sociaux, mais sûrement dans la vie. De partout, des initiatives sont en train de voir le jour. Il y a cependant un piège. On ne peut pas se jeter dans un projet par dépit, car il a toutes les chances de décevoir. Faisons-le par envie. Nous n’avons rien à perdre.

Le premier but à se fixer, c’est donc la rencontre. Elle se fait tout d’abord timidement, deux ou trois personnes, qui s’accordent, ou pas, mais les dés sont lancés… Ensuite, il y a le passage de la bonne figure. On a perdu l’habitude de se renifler, de s’envisager. On casse rapidement, et on se rétracte. N’attendons pas des gens qu’on rencontre qu’ils soient parfaits, selon le modèle du petit village du prisonnier. Savourons plutôt la différence, car c’est de la différence que naissent les idées. Il va falloir s’habituer à sortir des critères de la bien-pensance, et à réfléchir par nous-mêmes. Accepter l’autre tel qu’il est et non vouloir le couler dans le moule de la « normalité ». Autrement dit, pour changer le monde, nous devons déjà nous changer, nous. Et le monde changera de lui-même…

Dans un prochain billet, je parlerai des occasions de rencontres à créer. J’en ai déjà noté un certain nombre, mais ces idées viennent de vous, alors n’hésitez pas à m’en faire part.

Qu’on pêle-mêle tout ça et qu’on s’amuse un peu à créer ce nouveau monde…

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