La malédiction de la Pensée

La malédiction de la Pensée

Trop d’infos cuit ton cerveau !

Plus on pense et plus on s’estime intelligent, informé, voire… éveillé, puisque c’est la mode de s’y croire, pour faire partie d’une “élite”. Un vieux complexe des temps anciens, je m’explique…

Le chemin de la pensée passe par le mental. Or le mental n’existe pas par lui-même. Le mental, c’est un mélange de mémoire plus ou moins trafiquée et d’intellect.

Si on prend la mémoire par exemple, notre corps renferme des millions de fois plus de mémoire que notre mental. Il s’agit de mémoire pure à laquelle nous n’avons pas accès, c’est tout de même rageant, non ? Ainsi, il se souvient de tous nos ancêtres depuis des millions d’années, de toute la vie de la planète. La mémoire du corps ne se déforme pas et ne disparait pas. L’apprentissage de la marche est à elle seule un formidable travail de mémoire pour les 650 muscles qu’elle sollicite.

Par contre, notre mental ne se souvient de rien ou de manière déformée par le prisme de nos émotions, et que des trucs qui l’arrange. Mémoire sélective, mémoire affective, au service de notre affect et de nos besoins addictifs, bienvenue dans le monde de nos affections.

Cependant nous attachons une grande importance à notre mémoire et à notre intellect, au détriment de notre corps relégué au rayon des objets utiles mais souvent négligés. Tout ce qui vient du corps est mal vu. Il le fut plus encore il y a longtemps, alors que la religion imposait une pensée unique, et s’arrogeait le droit de vie ou de mort, de jugement et de sentence. La mémoire vive, réelle, pure, nous nous en sommes privés, pourquoi ? Pourquoi sans cesse réapprendre ce que nous savons déjà depuis des millions d’années mais que notre mental refuse d’ingérer? Pourquoi partir à la recherche d’informations émanant de pensées cuisinées et ressassées, et puis récupérées ?

Comment en sommes-nous arrivés là ?

C’est principalement un problème européen, et donc occidental. L’Europe s’est en effet rapidement formée à partir d’un modèle de société assujettie à la religion. La religion s’est imposée en tant que modèle unique de pensée, les impies sont chassés, voire tués, car ils ne méritent pas de vivre, leur destin étant de pourrir en enfer ! On convertit par la souffrance, la force, on oblige à expier, on réduit le cerveau et donc la pensée à néant. Lors des opérations de colonisation, les “missionnaires” ont pour rôle de faire oublier aux enfants indigènes toutes leurs valeurs, leurs traditions, leurs rituels, ainsi que leur proximité avec la nature. La nature devient d’ailleurs elle-même une créature qu’il faut domestiquer, soumettre, et s’en éloigner sous peine de redevenir des bêtes. Les enfants sont souvent ravis à leurs parents, définis comme des monstres. Toute ressemblance avec les temps présents n’est bien sûr que pure coïncidence !

Durant des siècles, les populations ont donc été maintenues sous le joug d’une Pensée Unique assortie de blâmes et de punitions, voire d’excommunication, c’est-à-dire dans une condition de non pensée. Aussi quand enfin la Pensée s’est libérée, elle est devenue le point central de l’existence humaine. Nous sommes passés d’une extrême à l’autre. La Pensée extirpée de l’oubli a été glorifiée. Les intellectuels ont foisonné, les Lumières ont dominé le monde, les Penseurs ont envahi les salons, prenant la place des curés et des grenouilles de bénitier. Désormais, il fallait avoir une pensée pour tout, avoir une opinion, un avis. Sans nous rendre compte que nos pensées ne sont pas des oeuvres créatrices mais des mélanges et des reprises d’autres pensées. On ne peut jamais penser quelque chose de nouveau, même si beaucoup le croit, smurf !

Un prison pour une autre.

Enfermés dans le domaine de la pensée, il n’est pas possible d’évoluer, et encore moins de changer le monde. La pensée, c’est un phénomène psychologique qui appartient à chacun de nous et n’intéresse personne en fait. La pensée qui nourrit notre intellect nous fait croire que nous savons, mais nous ne savons rien. Nous pensons pour panser nos blessures, apaiser nos souffrances dues à notre ignorance et notre rejet du monde réel.

La crise covid a été un évènement déclencheur qui a dévoilé un scénario extrêmement sombre, une dystopie à peine imaginable. Tout à coup, la frayeur nourrie pas l’affolement généralisé s’est muée en un spectacle d’apocalypse. Cela marque sans doute la fin d’une époque, la fin de l’époque de la pensée dite libre. Les “penseurs” affolés tombent dans des pièges de plus en plus grossiers, croyant ainsi échapper au bourrage de crâne habilement engendrée par des élites opportunistes. Les pensées tous azimuts sont désormais canalisées vers un programme de pensée unique et les mêmes arguments sont utilisés que lors des grandes conquêtes sous bannière religieuse. Les mêmes mots, les mêmes symboles, les mêmes prêcheurs, les mêmes disciples, les mêmes jugements, les mêmes… pensées. Les castes se forment et les échanges sont bannis.

Voilà, c’est le forfait de l’intellect, cette arme si tranchante qu’elle nous blesse jusqu’à nous laisser pour mort. C’est un long combat contre soi-même en somme. L’intellect dissèque et détruit, alors que la Vie est une intelligence absolue, entière et créatrice dont nous nous privons intentionnellement. Avoir ainsi accordé autant d’importance à la pensée et donc à l’intellect a fait de nous des sachant ignorantus, des terroristes de l’information, et des victimes faciles des ayatollahs de la bienpensance et de la pensée unique !

Plus on a de l’information et plus on pense de manière morcelée, décousue, plus on a besoin d’infos pour essayer d’arriver à une certaine cohérence. Plus on morcèle, plus on affaiblit, plus on disperse, plus on se perd. Chacun est enfermé dans ses pensées, ce monde, ce domaine personnel et unique qui refuse toute connexion avec l’autre et avec la réalité. Ce monde des pensées est un monde parfaitement fictif dans lequel nous évoluons tant bien que mal, plutôt mal que bien d’ailleurs car le mal-être est devenu un état d’esprit permanent et quasi universel.

Qu’il soit privé de pensée ou écrasé sous l’abondance de pensées, l’être humain nage donc en plein marasme. Il ne trouve pas son équilibre, il a perdu le lien avec l’essentiel, avec la source de la création.

Mais encore ?

Internet a considérablement accéléré le processus. Un enfant de 8 ans sait déjà beaucoup de choses, il a accès à des stocks incroyables de pensées, d’informations, figeant sa capacité créatrice et son propre cheminement vers la connaissance. Il absorbe du tout pensé et en quelque sorte perd tout sens de l’objectivité. Être indécis est mal vu, il faut avoir des avis sur tout, et les enfants ne sont pas épargnés. La curiosité ne peut plus s’exercer, il suffit d’ouvrir un ordinateur et de tapoter sur un clavier, et l’on sait ! Victoire. Tout arrive en virtuel, en impalpable, tout est absorbé par l’intellect, le mental. C’est pourquoi aujourd’hui les enfants connaissent l’ennui très jeunes, et lorsqu’ils arrivent à l’adolescence, ils sont blasés. L’intellect est comme un bouchon hermétique qui tient la vie prisonnière. Notre société deviendra donc de plus en plus morose, désabusée, fatiguée. Les enfants, les jeunes sont fatigués, cela devrait nous secouer et nous sortir de notre délectable bain de pensée hallucinogène !

La vie a besoin d’exubérance, d’audace, de curiosité, de liberté, d’incertitudes, de voyages, de découvertes, d’extase, de déceptions, de joie, d’inattendus… Tout est si bien programmé, regardez un peu, il faut gérer le temps n’est-ce pas, surtout celui de nos gosses, ne pas les laisser s’occuper seuls, quel malheur ! Le tout prêt à digérer, c’est par ici, XX1è siècle !

On gobe l’information comme on bouffe la malbouffe. On se gave tant que ça nourrit nos addictions. Toujours plus. Nous devenons de gros amorphes sonnés par l’abondance d’informations. Un faux sentiment de savoir gonfle déjà notre orgueil, il n’y a qu’à voir la manière dont on s’exprime, dont on échange, en virtuel, mais aussi en réel, c’est significatif.

Renouer avec son corps, et donc avec l’Univers.

Nous avons inventé Dieu, des divinités, des esprits bien ou malveillants pour combler ce grand vide qu’est notre ignorance de la Création. Nous avons créé des frontières, partout, dans notre tête et sur la planète, autour de nous, partout. Et quand même nous voudrions connaitre l’au-delà ! Mais comment est-ce possible si nous nous identifions à des trucs limités ? Imaginer un Dieu avec des pouvoirs, une immortalité, des trucs qu’on aimerait bien avoir, ne nous a guère permis d’évoluer. N’est-il pas temps d’essayer de nous affranchir des murs qui soutiennent nos pensées et nos certitudes ? N’est-il pas temps de vivre plutôt que penser ?

On n’arrive pas à résoudre le problème, qui est venu en premier, l’oeuf ou la poule ? Notre encombrant intellect n’a de cesse de disséquer la vie pour tenter d’en extraire la vérité, oubliant que la Vie est une et indissociable. La clé du mystère est sans doute en nous, dans ce corps que nous dédaignons et qui en tous points est la réplique de l’infiniment grand. Dans la mesure où nous parviendrons à maitriser notre mental et par ricochets nos émotions, notre mode de vie compulsif, notre addiction à la possession, à l’affectif, nous commencerons peut-être à entrevoir le lien qui mène à la source de la création. Une fleur, une feuille, une pierre, un oiseau, un monde bourdonnant autour d’un bouquet d’arbres, la révélation de la simplicité que nous avons rendue si compliquée. Pourquoi avons-nous donc tant de plaisir à brouiller les pistes ? Le grand mystère de la Création, voulons-nous vraiment le découvrir ?

Bref…

Ce texte est finalement un bon exemple pour illustrer les propos qu’il contient. LOL !

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