L’humanité brisée ?

L’humanité brisée ?

On peut toujours minimiser, refuser de voir la réalité, enjoliver, se faire une opinion sans tenir compte des faits. On peut toujours…

Lors d’une récente discussion avec une “amie” fb, suite à un commentaire où je parlais de la disparition imminente et irrémédiable de notre civilisation si on ne sort pas de notre trop longue période d’ados attardés, elle m’affirmait qu’au contraire, elle trouvait “qu’on avançait”, mais qu’elle allait retirer ses lunettes roses pour examiner mes savants propos. Il est difficile d’accepter les points de vue différents dans un monde où tout est compétition, opposition.

Certains ont trouvé une échappatoire : ils appellent ça la spiritualité ; ils ne se rendent pas compte qu’il s’agit juste de changer un mot pour un autre mais le concept reste le même, celui qui montre le plus de preuves de son éveil se considère comme supérieur. Le but est d’en mettre plein la vue. Je suis l’éveillé, ils sont les idiots. Il blâme ou plaint l’inférieur, dans sa grande mansuétude, c’est ce qui le différencie du grand méchant opportuniste loup enragé qui ne cache pas sa rage de vaincre.

Pour obéir au concept spiritualité, l’initié utilise des éléments de langage, des codes, qui lui permettent de se “connecter” à des êtres semblables, supérieurs, et de former ainsi une caste d’élus. Régulièrement il fait son “voyage intérieur” pour y croiser des “êtres de lumière” qui comme lui ont pour mission de sauver l’univers…. voilà, voilà… soit dit en passant qui dit voyage dit déplacement. Donc voyage intérieur, je ne vois pas bien où, quand, comment ? Blop. Mais ça en met plein la vue, c’est sûr. Des tas de gens essaient, n’y parviennent pas, tu m’étonnes, et se désespèrent. C’est le but recherché !!!

Bon, les paroles et actes attribués à Jésus, déformés sans doute au fil des siècles, étaient aussi super mégalo. Culpabiliser, infantiliser, punir et récompenser. Pourtant il y a pas mal de messages intéressants dans les Evangiles. Suffit de ne pas interpréter, mais ça, on ne sait plus le faire, justement. Dans ce monde devenu entièrement virtuel, la simplicité n’a pas sa place. Quelqu’un me faisait remarquer mon “franc-parler”, et beaucoup me suivent justement parce que j’essaie d’appeler un chat… un chat. C’est dans ma nature. C’est dans la nature de l’humain en général. A nous de redevenir cash, simples,honnêtes, avec soi, avec les autres. Car à force d’embrouiller les choses, on ne sait plus où on zone.

Heureux les simples d’esprit, car le royaume des cieux est à eux. C’est parait-il tiré de l’évangile de Matthieu… On a pas mal interprété cette phrase, et pourtant elle veut juste dire ce qu’elle dit.

Ancrés dans leurs certitudes, leurs préjugés, leur vision discriminatoire, les intitiés vous affirment pourtant qu’ils sont des “êtres éveillés”. Mais celui qui se dit “éveillé”, mieux vaut le fuir car en fait il conduit sa barque en dormant profondément.

Pourtant l’éveil, ça existe. Il suffit de se tourner vers les populations autochtones, les peuples premiers. Ils ne savent ni lire ni écrire et pourtant ils sont les détenteurs de la sagesse et de la connaissance universelle. Ils n’ont rien, ils ne possèdent rien et c’est pourquoi ils ont tout. Ils sauront vous expliquer le ciel, ils vous parleront de ces étoiles cachées qu’on n’arrive même pas à voir avec des télescopes perfectionnés, ils vous confieront peut-être les secrets que les pierres leur confient. Ils connaissent les différentes couches du manteau terrestre, mieux qu’un géologue, mon fils en est témoin. Juste en observant, sans rien dire, sans interpréter, sans vouloir imposer leur science. Ils regardent, ils écoutent, ils sont humbles, ils n’ont rien, ils ont tout.

Héritiers de 4 000 ans d’histoire ininterrompue, les kogis, ce peuple vivant au nord de la Colombie, forment la dernière société précolombienne sans rupture historique. Une Saga kogi (chamane femme) peut parler à l’eau et demander à une source de s’arrêter de couler lorsqu’on son lit a été pollué, le temps que tout revienne à la normale. Il n’y a là rien de magique. N’importe quel être humain “éveillé”, c’est-à-dire nettoyé de tous les concepts de normalité et de toutes les extravagances dictées par l’imagination et les frustrations, de toutes les normes, de tous les préjugés, de toutes ses certitudes, est capable d’échanger des informations avec l’eau, et avec tous les éléments de la nature. Car l’humain fait partie de la nature. Seulement l’humain occidental s’en est extrait, créant un monde artificiel qu’il peut “normer”, afin d’en être le maitre, qu’il peut exploiter et briser selon sa volonté. Et plus il avance et plus il détruit, plus il se raccroche au matériel, à l’avoir, à la possession, plus il perd ses capacités. Dommage. La création est absolument fabuleuse, l’humain en est l’un des plus beaux joyaux, mais il l’ignore. Ou bien gâche-t-il son potentiel parce que le matérialisme est devenu la norme, dans notre civilisation occidentale gavée, repue, et néanmoins très mal en point ?

Notre vision du monde est aujourd’hui entièrement basée sur le matérialisme, c’est pourquoi elle est si fragile et si futile. Elle change en même temps que nos états d’âme et les cours boursiers. On ne sait pas parler à l’eau mais on sait le cours du dollar. Le matérialisme est un fantasme, une réalité virtuelle sur laquelle nous prenons cependant appui avec l’énergie du désespoir. Parce qu’au début de notre vie, nos racines sont coupées et nous sommes transplantés dans ce monde factice, pour devenir des poupées consommatrices, bavardes et exigeantes.

Tout commence au début de la vie de l’enfant. Nous avons jugé que l’enfant qui nait doit être entièrement façonné et nous ne lui laissons aucune chance de se découvrir. Nous le privons de toute vision naturelle et nous lui imposons la vision des normes, cette construction totalement fictive qui change en fonction des besoins matériels et politiques du moment. Chez les kogis, et bien d’autres civilisations, rien n’est enseigné avant l’âge de 6 ans, parce qu’ils estiment que l’enfant est relié à l’essentiel et qu’il n’a pas encore une conscience de lui-même. L’enseignement débute à partir de 6 ans, mais on va lui transmettre l’esprit des choses. Pour nous tout ce qui est invisible n’existe pas. “On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » (Antoine de Saint-Exupéry).

Le chamane kogi propose une vision plus sensible en invitant les Occidentaux à « réapprendre de la nature ; la connaître, c’est aussi sentir la Terre Mère, car la nature n’est pas seulement une idée du mental ». « “À quoi cela sert-il de faire toutes vos études pour finalement détruire la nature ? Vous voulez entrer en compétition avec le Soleil et vous brûler ?”, nous interpellent les Kogis ». “Réveillez vos connaissances, réveillez cet universel sur vos terres.” « Si on arrive vraiment à faire des échanges entre vous et nous, peut-être que l’on pourra travailler et retrouver les lois de paix et d’harmonie avec la nature. Nous pourrons alors nous entendre pour arriver à un accord sur la façon de protéger la nature. »

Malheureusement, ces trois dernières années ont plongé notre civilisation occidentale dans une abysse dont la profondeur ne cesse de nous échapper, comme si nous étions aspirés par ce que nous avons créé. Nous avons créé un monstre, un monstre qui nous gouverne aujourd’hui et nous prive de toute lucidité. Bientôt ce sont les machines qui prendront le pouvoir et comme elles ne sauront pas quoi faire de nous, pauvres humains inutiles, nous servirons peut-être de matière, de pile, de réserve d’énergie nécessaire pour leur survie. L’ignorer et porter des lunettes roses, voir le monde à travers des bêtises, ne nous sauvera pas de cette triste réalité. Attention, cette réalité dystopique n’est pas la vision d’un futur lointain mais bien au contraire. Durant ces trois dernières années, le turbo a été mis pour briser les derniers volontaires, détruire les penseurs, marginaliser les “originaux”. L’apprentissage de l’obéissance a commencé il y a une trentaine d’années. L’humain occidental abruti devant des écrans qui sont devenus sa vision du monde proche et lointain ne réagit plus que de manière automatique parce qu’il est désormais programmé. Pourquoi les politiques sont-ils aussi nuls ? Parce qu’ils sont inutiles. Ils ne sont que des figurants pour nous faire croire que nous vivons toujours dans le même monde qu’avant, ce monde où chacun prenait ses responsabilités, un monde vivant, pulsant. Nous vivons depuis près de 30 ans dans une sorte de théâtre où nous sommes à la fois acteurs et spectateurs, en vase clos. Nous nous accrochons à des concepts, à des futilités.

Et le pire, c’est que nous croyons être “éveillés” parce que nous avons adhéré à un concept encore plus trompeur que les autres. Les mots comme éveil, des expressions comme voyage intérieur, vie après la mort, méditation, êtres de lumière, etc, flatteurs, nous font passer pour des “êtres supérieurs”, alors qu’évidement cette hiérarchisation est bien au contraire la base même de toute société viciée, pervertie. Mais il en faut pour tout le monde. Tout le monde sans exception doit jouer un rôle et il est défini en fonction du caractère de chacun. C’est bien torché. L’illusion d’une société, c’est parfait. Il faut de tout pour faire un monde, comme on dit.

Alors que faut-il faire ?

Juste redescendre sur terre. Cesser de s’abreuver de sottises, de se comparer à l’autre, de monter sur son ego. La réalité est simple. La réalité, c’est même la simplicité à l’état pur. Pas besoin de suivre des cours de grands maitres ceci ou cela, de se la jouer méditatif ou branché éveillé. La réalité c’est déjà la vie. Tu ne pourras pas demander à ton mental de ne pas penser parce qu’il ne sait faire que ça et c’est très bien comme ça. La première chose à faire, c’est cesser de se nourrir de fantasmes, d’émotions et de trucs qui font réagir parce que c’est justement ce qu’on attend de vous. On n’est comme des poulets de batterie plantés devant un tapis roulant chargé d’informations qui défilent “à toute vionze”, comme disait ma grand-mère, et nous picorons comme des malades compulsifs que nous sommes, cherchant à nous remplir parce que nous avons peur du vide. Et aussi parce que nous voulons avoir plus que l’autre, parce que c’est tout ce qui nous donne encore une impression d’exister. La deuxième tâche c’est donc s’affranchir de l’avoir, de la possession. Ne rien posséder, c’est tout avoir. Cette manie, cette obsession de l’avoir nous a fait perdre notre nature d’humain.

Et puis être dans l’attention. Attentif. Attentif sans préjugés discriminatoires. S’assoir, ne serait-ce que 5 minutes, n’importe où, quelque part, et ne rien faire. Juste ne rien faire. Baisser toutes les défenses, les barrières, abroger les aprioris et laisser venir la vie..

Voilà… en résumé, redescendre sur terre, chercher la réalité dans la simplicité, s’affranchir de l’obsession de posséder, et être attentif sans préjugés discriminatoires… C’est déjà du boulot !

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Cet article a 2 commentaires

  1. Béroud

    Bonjour Iza,
    Je lis tes articles toujours avec beaucoup de plaisir. Et je suis d’accord, pour ma part je ne peux sans doute pas changer le monde mais je refuse d’ajouter ma pierre à cet édifice qui risque de s’écrouler. Parfois quand je regarde les gens écouteurs dans les oreilles et le nez sur l’écran je les vois les robots. Mais j’espère, pour le bien de cette humanité, capable du meilleur et pour les enfants qui naissent tous les jours 😀
    Sylvie

    1. Iza Gisse

      bonjour Sylvie, moi aussi je lis tes commentaires avec le plus grand plaisir. J’ai créé ce blog pour qu’on puisse justement échanger, tranquillement, presque de manière intime, contrairement aux réseaux sociaux où tout est étalé et où finalement n’importe qui peut lire tout en restant anonyme. Comme les “zamis” qui décochent et disparaissent sans prévenir. Ce monde virtuel nous isole et nous fait régresser d’une manière inimaginable. On croit que les anciens étaient des “arriérés”, et c’est tout le contraire. Tout à l’heure, j’écoutais le récit d’un indien (d’Inde) à propos de la mémoire. Dans les temps anciens, la mémoire était travaillé grâce aux sons. Les enfants apprenaient très jeunes à travailler leur mémoire. Car la mémoire on en a tous, tous ce qu’on fait, ce qu’on voit, etc, est enregistré. Seulement nous ne savons pas nous rendre vers l’information…. La mémoire se perd de plus en plus, de manière insidieuse, tous nos sens pâtissent, l’humanité est sacrifiée, et désormais persuadée d’être évoluée… c’est vraiment triste.

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